AccueilHotChronique de l'album de Lorenzo : "Rien à branler" !

Chronique de l’album de Lorenzo : « Rien à branler » !

Autant vous l’avouer tout de suite, avant d’écrire cette chronique je n’avais écouté que deux titres de Lorenzo : le  Freestyle Du Sale , que j’avais entendu ici et là dans la voiture d’un ami ou sur une enceinte portable et Fume à fond  pour lequel j’avais écrit un article.

Ce qui me surprit immédiatement ce fut les scores de visibilité du gars. Les clips des deux morceaux cités ci-haut culminaient respectivement à plus de 51 millions de vues pour le premier et plus de 37 millions pour le second. Mais à l’heure où même les vues ne sont plus un indicateur fiable (Cf. Notre dossier Rapunchline sur les vues Youtube et le streaming à paraître très bientôt) et n’étant pas nécessairement réceptif à son univers j’ai décidé de me renseigner auprès de mes amis Facebook et de leurs amis (méthode parfaitement professionnelle vous en conviendrez…).
La question était simple, qu’est-ce qui vous plaît chez Lorenzo ?
Les réponses furent unanimes et un argument en particulier émergea immédiatement comme fer de lance des retours sur ce plébiscite. À savoir :
   « Le gars s’en bats les couilles. »
La population des fans de Lorenzo au sein de mon Facebook était composée de profils variés mais j’ai constaté l’apparition d’une constante à travers leurs réponses : Tous ou presque rejetaient les codes « classiques » du rap ou du moins appréciaient qu’on les brise et/ou les détourne.
Cela dit je suis tombé sur des amateurs de rap, vous savez, de ceux qu’on ne soupçonne pas : « Ah ouais ? Lui/Elle écoute du rap ?? Ah ouais. ».
Et pour autant on ne les trompe pas. Pour Enzo :

« Lorenzo il pousse l’absurde au max, sans pour autant tomber dans le lourd, et puis contrairement à du Fatal Bazooka en son temps, il sait rapper. »

Selon Alix :
« C’est d’abord un gars qui a réussi avec ses potes, on le sent dans ces textes qui sont pas toujours recherchés mais il y a quand même un certain style d’écriture, un certain flow. »
Mais être Lorenzo c’est aussi plaire à une certaine catégorie d’amateurs de rap dont la culture a longtemps été négligée par les rappeurs et considérée comme étrangères aux codes musicaux « urbains » (à tort).
Sewyn :
« Il a parfois ce côté nerd dans les paroles que Django a aussi. Ça me plaît beaucoup, son côté trash également. »
Et pour en finir avec les déclarations des fans, Mathieu confirme qu’ils ne sont pas dupes et plutôt conscients de ce qu’ils écoutent :
« Tu sais que le mec a fait des études de théâtre et qu’il a travaillé son personnage, pour moi Lorenzo c’est l’incarnation d’un personnage « tiers » et c’est fascinant de voir comment ils arrivent, lui et son entourage, à rendre tout cet univers crédible. »
Je n’aurais pas mieux dit.
Mais concernant la musique elle-même, ceux qui m’en ont parlé ont surtout souligné le dynamisme de cette dernière, la qualifiant même de festive. C’était suffisant pour piquer ma curiosité. Et me voilà en train d’écouter l’album tout l’après-midi…
Le premier morceau confirmait la thèse de Mathieu et la mienne, la capacité du bonhomme à s’approprier un univers et à en détourner les codes est impressionnante.
Dans cet intro  OVNI  il mêle les champs lexicaux de la rue avec ceux de la science-fiction et de l’espace avec une aisance déconcertante.
Dès le second titre, les premières notes de la prod. du très très bon Junior Alaprod ont légitimé l’aspect festif qu’on prête à la musique de Lorenzo. Je commence à cerner le personnage… Je comprends que je vais entendre parler de meufs, de défonce, de bicrave, d’étrange voire d’esotérique et tout cela en même temps dans des egotrips endiablés emprunts de second degré.
Je me trompais.
En partie.
En effet, des titres un peu plus bavards comme  Faudrait  ou  Bouteille d’eau  permettent à l’artiste de développer un aspect personnel de son écriture et de se détacher du second degré… Pour mieux y revenir avec des punchlines du genre :
« J’me sens égal aux femmes, mais supérieur aux femens. »
Le plus souvent le second degré de Lorenzo ne dissimule pas un discours plus « engagé » ou moins détaché, mais c’est le cas avec cette phase.
Et je n’étais pas au bout de mes surprises : un feat planant avec Columbine sur une excellente prod de Double X, un refrain outrancier pour  Sucer la bite  et un outro assez magistrale sur une prod piano jazzy plus tard, je m’étais fait un avis.
Je donne raison à ma consœur chroniqueuse Mekolo Biligui du magazine iHH et du #VRFShow qui me confiait :
« Lorenzo c’est le troll ultime. Un genre de boss de fin dans le 1000ème degré. »
(Punchline.)
En effet, la plus grande force de Lorenzo c’est sa capacité à savoir tourner les codes à la dérision avec talent !
Alors est-ce que Lorenzo est un rappeur techniquement impressionnant ? Non.
Est-ce que Lorenzo est un rappeur délicieusement impressionniste ? Oui.
Et cela se traduit ainsi : on ne retrouve rien de particulièrement complexe dans ses schémas de rime ou dans ses flows mais cela s’explique par la recherche de la punchline, présente à presque chaque mesure. Cela s’explique également par le choix des champs lexicaux, allant jusqu’à l’exercice de style.
J’ai été ravi de découvrir un artiste plus profond que ce que je pensais avec des titres comme Bouteille d’eau que j’ai déjà cité mais qui demeurera mon titre préféré du projet. J’ai aussi été satisfait du niveau des prods, on retrouve les beatmakers en forme du moment sur de la trap classique mais de qualité, ou sur des productions plus ambitieuses et innovantes selon les titres.
Lorenzo utilise la simplicité technique de son écriture pour remettre au goût du jour la puissance d’un message qui se veut décalé.
Parti pris ou adaptation à son niveau ?
La question n’est certainement pas là et seul lui peut y répondre.
En tout cas une chose est sûre c’est que Lorenzo est un cas unique dans le rap français et qu’il fait preuve de certaines habilités qui ne sont propres qu’à lui. Et c’est déjà un argument suffisant pour faire l’effort de le découvrir en écoutant son album dès ce soir ! Et je finirai en le citant :

« J’m’en fous des journalistes, j’ai pas besoin de promo. »

Il a raison, les chiffres parlent pour lui. Rien à Branler.

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