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Damso est-il misogyne ?

En l’espace de quelques années, deux précisément, Damso est une devenu une des figures majeures de la musique francophone. En cause un premier album intitulé « Batterie Faible » d’une puissance insoupçonnée tant au niveau des mélodies, que des lyrics ou des thèmes abordés par Dems. Plus tard avec « Ipséité » et « Lithopédion », le belge raflera disque de platine sur disque de platine égalant à ce jeu là son mentor, l’indétrônable Booba, qui a bien fait de le signer sur son label 92i. Comme le rappeur belge l’annonce au premier titre de « Ipséité » : « Nwaar is The New Black ». Et effectivement, le côté obscur du protégé de B2O s’exprime dans tous les domaines de sa musique. Dans « Macarena » extrait du même album, Damso évoque une relation amour-haine avec une femme, une relation asymétrique à souhait, et violente. Dans « Kin La Belle », il parle de son amour pour ses origines en faisant d’une femme l’allégorie de la capitale de son pays d’origine, le Congo (Kinshasa).

Et que dire du titre « Amnésie », un morceau cru à l’aspect cruellement réel qui raconte l’histoire d’une femme qui s’est suicidée pour le rappeur. Le leader du 92i nouvelle génération s’exprime durement, clairement, et sans détour. Son discours est tout simplement univoque.

« Treize ans déjà mon premier rapport
Depuis mon cœur a fermé la porte
Aussi bizarre que cela puisse paraître
Après l’avoir ken’ j’voulais qu’elle disparaisse
Elle voulait qu’on s’aime mais je n’voulais pas
J’étais l’dernier à faire le premier pas
Plus les années passent et plus lourde est la tâche
J’la trouvais pas bonne et j’voulais qu’elle le sache
Dans la méchanceté, j’me sentais si bien
J’étais loin d’imaginer son quotidien
Des larmes séchées sur ses poèmes
Qu’elle m’écrivait en recherchant plaisir clitoridien »

Damso – Amnésie

En pleine tournée d’été, le rappeur originaire de Bruxelles a eu l’occasion de s’exprimer sur ses paroles qui ont tant fait scandale. Il faut savoir que l’interprète de « Dix Leurres » avait été choisi pour composer l’hymne des diables rouges à la Coupe du Monde. Finalement, sous la forte pression imposée par certaines associations féministes, la Fédération Belge de Football a opéré une véritable volte face. Interrogé par le quotidien gratuit 20 Minutes qui lui demandait s’il ne trouvait pas ses paroles vulgaires, il a déclaré :

« Je ne trouve pas qu’elles soient vulgaires. Je pense qu’on fait semblant d’être sensible. Avec tout ce qu’on vit au quotidien, il y a des choses beaucoup plus choquantes. »

Damso – entretien à « 20 Minutes »

C’est un débat vieux comme le Rap. Attaqué en justice pour « incitation à la haine », les rappeurs de NTM avait décidé de réagir artistiquement avec le titre « On est encore là » extrait de leur album numéroté. Dans la bouche de NTM, la censure ressemblait à ça :

« Deux mois de sursis, cinq barres d’amende, on est condamnés
Pour être encore là après tant d’années
Et pour les avoir tant tannés instantanément, de façon spontanée
On en paye le prix aujourd’hui mon gars, mais c’est pas un hasard
Ça correspond au climat bizarre
À l’odeur étrange qui émane du côté d’Orange
Le Sud est contaminé, remarque, y a pas que la droite, aussi
Les lois Debré tu crois que c’est quoi sinon une pâle copie ?
De celui qu’on ne censure pas
De celui qui parle de race supérieure et qu’on invite à tous les débats
Je suis pas sûr qu’y ait pas deux poids, deux mesures et pas
Pas de justice, surtout si tu pèses pas »

NTM – « ON EST ENCORE Là »

Quelques années plus tard, Youssoupha était attaqué en justice par Eric Zemmour pour « Menace de Mort » parce qu’il avait chanté dans un titre intitulé « A Force de le Dire » extrait de son album « Sur les chemins du retour » : « Je mets un billet sur la tête de celui qui fera taire ce con d’Eric Zemmour ». Finalement, cette affaire avait donné lieu à l’un des plus beaux titres de Youss intitulé « Menace de Mort » :

Il est vrai que certains jeunes (les jeunes représentant la majeure partie des consommateurs de rap) ont tendance, à raison comme à tort, à considérer certains artistes de rap comme des exemples de réussite. Mais devient-on un guide dès lors qu’on est suivi ? Un artiste ne devrait-il pas avoir le droit de n’être « que » le témoin de son époque comme le dira « Tiers Monde » dans le morceau « No Future » extrait de l’album du même nom : « je suis le fruit de mon époque ».
Si Damso a un discours plus qu’ambivalent à l’égard des femmes dont il parle dans certains morceaux, la complexité du personnage mérite que l’on ne s’arrête pas au premier degré. Il semble que l’artiste tente de retranscrire un état de fait des relations hommes-femmes et à exprimer les sentiments qu’il ressent sans en faire un dogme. Dans « Macarena » Damso n’hésite pas à se contredire d’un couplet à l’autre, d’une phase à l’autre, d’un mort à l’autre même. Cette volontaire contradiction est la preuve même de sa conscience vis à vis de l’ambivalence de ses pensées et de sa capacité à les remettre en cause.
Aujourd’hui, les « habituelles » relations entre les hommes et les femmes sont remises en question par l’évolution d’un modèle familial occidental très ancien qui a laissé de profondes traces dans nos sociétés du fait de son ancrage dans la culture populaire. L’éclatement de ce « modèle unique » ou en tout cas de sa suprématie a entraîné des bouleversements et les conséquences qu’on observe sont diverses. La question de l’égalité homme-femme a indéniablement profité de ces changements, le débat s’est ouvert et les populations ont été sensibilisées aux différents point de vue. D’une autre main, certaines autres évolutions peuvent être assimilées à des dérives, par des artistes comme Damso dont il est question ici, mais aussi par nombreux intellectuels : par exemple, l’émancipation vis à vis de ce modèle « modèle unique » poussée à son extrême peut conduire à une vision des relations hommes-femmes que l’on peut trouver « consumériste ».  Des applications comme  Tinder, Meetic, ou encore Elite Rencontre en sont l’exemple. Les rapports hommes-femmes peuvent laisser place à un marché sexuel sur lequel chacun se voit accordé une valeur fondée sur des conceptions toutes arbitraires… Damso traite indéniablement de ce malaise dans les rapports entre les hommes et les femmes, mais sans le dénoncer frontalement en se plaçant dans une position qui serait non seulement démagogique, mais surtout d’une facilité indigne de son talent. Au contraire, il préfère assumer à quel point il en est lui aussi victime tant il cède à ses pulsions et aux sentiments provoqués en lui par des relations sociales en plein bouleversement. Cette sincérité nous renvoie face à nous même dans le même temps.
Finalement, c’est aussi caricatural et idiot de faire de Damso le chantre de la misogynie que de faire de Médine un islamiste rappeur. Pour ne citer que NTM, les rappeurs ne « font pas pas partie de la solution mais plutôt du problème ». Le rap est le témoignage de la minorité muette loin des aspirations de « la majorité silencieuse ».

« Ce n’est jamais aux artistes d’éduquer qui que ce soit. Ils sont faits pour faire de l’art et doivent juste faire ce qu’ils ressentent. Dès ce moment, ils ne doivent s’expliquer auprès de personne. »

Damso – eNTRETIEN  « 20 Minutes »

 

ZeZ XXI
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