Entre Kinshasa et Bruxelles, le saxophone de Fabrice Mukuna trace un pont vibrant, fait de jazz, de rythmes africains et d’horizons métissés. Musicien insaisissable, showman généreux et créateur bouillonnant, il incarne une nouvelle génération d’artistes afro-européens : ancrés dans leurs racines, mais tournés vers le monde.
Né à Mbuji-mayi et ayant grandi à Diboko, Fabrice Mukuna baigne dans un univers musical dès l’enfance. Son père est ingénieur du son, sa mère choriste, et dès l’âge de 8 ans, il joue de la batterie dans les églises. Plus qu’une vocation, la musique est une évidence. À Kinshasa, à l’INAS, il découvre le saxophone — et ne le lâchera plus. Il joue dans des groupes de gospel, des orchestres de rumba, et accompagne des artistes reconnus comme Mike Kalambay ou Jafrozz lors de tournées africaines.
C’est lors d’un mariage qu’il croise la route de Fabienne Penninck, manageuse et productrice. Elle croit en lui et lui offre une nouvelle scène : la Belgique. Il arrive à Bruxelles en 2017 et découvre un univers musical inédit. Rapidement, il monte sur les plus grandes scènes jazz du pays, fonde le Fabrice Mukuna Band (composé de musiciens originaires de Cuba, du Bénin, du Brésil, d’Israël, de Colombie, de Belgique…) et y développe un style unique, entre afrobeat, jazz fusion, amapiano et musiques du monde.
Avec YoKinJazz – contraction de « Yoka Kinshasa Jazz » –, Fabrice Mukuna propose un manifeste musical : écouter Kinshasa à travers le prisme du jazz, en dialogue constant avec les sonorités du monde. Il y mêle chants en lingala, en français et en anglais, polyrythmies congolaises, harmonies jazzy, inspirations latines et électroniques. Le projet, né en RDC puis développé en Europe, a conquis les scènes de festivals internationaux, de la Fiesta Latina au BOZAR, en passant par l’Ancienne Belgique, où il enregistre le single remarqué Saïsaï.
En 2024, Fabrice est victime d’une arrestation arbitraire liée à son statut administratif. De cette épreuve naît Liberté, un morceau fort et symbolique. Empêché de jouer, il compose et produit. Résultat : un double album de plus de 20 titres, prêt à éclore, affirmant sa maturité musicale et sa résilience. Entre afrojazz, deep house, rumba et jazz fusion, sa discographie devient un manifeste d’expression libre.
Sur le morceau Liberté, Fabrice Mukuna est accompagné par ses musiciens : Gonzalo Rodriguez, Hadrien Pierson, David Ramos et Didier Touch. Le titre est un hymne au métissage entre les styles et les genres musicaux. Chanter pour lutter contre les vicissitudes administratives, à l’inverse du personnage de Kafka dans « Le Procès ». Au lieu de se laisser écraser par le Léviathan bureaucratique, Fabrice Mukuna chante ses sentiments et son espoir. À la froideur et à l’absence de compassion de la loi, il répond avec grâce, lui qui a fait du melting-pot culturel son étendard.
YoKinJazz ne se limite pas à une esthétique musicale. C’est une célébration de la multiculturalité, une manière de réunir les peuples par le rythme et le groove. À chaque concert, une promesse : « Si vous ne dansez pas, vous êtes remboursé. » Et jusqu’ici, personne n’a réclamé.
Fabrice Mukuna veut désormais franchir un nouveau cap : sortir son double album, poursuivre des résidences artistiques et faire résonner la richesse de la culture congolaise sur toutes les scènes du monde. Il est prêt. Le monde, lui, n’a plus qu’à tendre l’oreille.
