Alors qu’il n’était encore qu’un rookie, Kery James et son Ideal J envoyaient « Hardcore » aux oreilles d’une élite peu à même d’écouter les cris des enfants d’immigrés. Aujourd’hui « Hardcore » serait sans doute censuré, et le morceau ferait polémique sur tous les plateaux de télévision depuis Cnews jusqu’à France Info et son mimétisme condescendant envers les nationalistes. En 2002 avec « Et si c’était à refaire », le rappeur mélancolique entame sa conversion au rap conscient un peu sur le modèle d’un rappeur comme Nas qui a déjà réécrit le monde dans « It was writen ». Il y a 10 ans, le « poète noir » dévoile « Lettre à la République » après son « Constat amer » glaçant. Kery James se prend à rêver de science-fiction. Dans son dernier brulot « Marianne », il imagine une France dirigée par un leader d’extrême droite qui ressemble un peu à Eric Zemmour. Il dévoile son scénario catastrophe entre rap, et slam.
Quand Marianne tombe, c’est la République qui tombe malade !
Ce n’est pas le premier storytelling de Kery James. Dans « L’impasse » en featuring avec un certain Béné qui répondait en écho à sa première tentative « Deux issues », le rappeur nostalgique raconte l’histoire d’un gangster depuis ses débuts jusqu’à sa chute : « La mort ou la prison tu as deux issues ». Dans « Marianne », il imagine une République française dirigée par Napoléon, un leader d’extrême droite. Mais Kery James n’est pas le plus grand adepte des storytellings qui sont plutôt le lot commun d’un certain Médine et sa saga des « Enfants du destin ».
Son histoire commence sur celle de Marianne. Marianne est française mais elle n’est pas « française de souche ». C’est une femme musulmane qui porte le foulard. La France est le seul pays européen dans lequel la question du foulard a pris autant d’importance. Depuis l’affaire Kherouaa en 1989 (jugé au Conseil d’Etat) jusqu’à la récente humiliation d’une femme voilée en Conseil municipal par un élu du Rassemblement national, la question agite la République. En réalité, cette question cristallise le rejet de l’Islam en général. Et les musulmans quelques fois qui se sentent rejetés peuvent aussi se recroqueviller sur eux-mêmes. Certains politiques extrémistes ont oublié que le principe de laïcité a un corollaire : la liberté de conscience.
Marianne est une étudiante et une sportive de haut niveau qui ne peut exercer son métier, et elle est humiliée dans un bus. L’affaire surmédiatisé sur les réseaux sociaux provoquent des émeutes et la « balkanisation » de la France.
Ce n’est pas la première fois que la science-fiction ou le conte philosophique vient à l’appui de la défense des valeurs de tolérance. Avec « 1984 », Orwell écrase la dictature de l’information et les philosophes du XVIII siècles en France, ont critiqué le pouvoir royal avec des histoires « Candide » ou des « Lettres persanes ».
En réalité, Kery James se fait le représentant d’une culture de la contestation fidèle aux valeurs françaises. « Marianne » est sans doute l’un des titres les plus intelligents que le poète noir n’ait jamais écrit. A une semaine des élections présidentielles, c’est aussi un moyen pour Kery James de prouver que la prise de pouvoir de l’extrême droite en France ne sera pas sans conséquences.
