La plupart des rappeurs indépendants sont dans la confidence. Plusieurs sociétés d’achat de vues, likes et commentaires sur YouTube et d’achat de streams ont ouvert leurs portes depuis quelques temps. Depuis plusieurs mois ces sociétés pullulent à tel point que l’achat de streams et de vues est à la portée de n’importe quel artiste et donc de n’importe quelle maison de disque. Rapunchline a rencontré le directeur de l’une de ces sociétés. Sous couvert d’anonymat « le Booster » en question s’est confié sur ses méthodes et son savoir-faire. Retour sur la face sombre du rap français.
Maître Gims dénonce les « tricheurs » !
C’est la folie des chiffres dans le Rap Jeu. Les rappeurs signés en Major, ceux qui évoluent toujours en indépendant, et même les plus auto-dépendants se battent tous pour une seule et même cause : faire des vues ! Si les conditions d’utilisation de Facebook et YouTube ont restreint la portée des vidéos que les rappeurs postent régulièrement, il y a désormais un autre moyen de parvenir à ses fins.
Aux dires de deux rappeurs parmi les plus talentueux et les plus « bankable », les achats de vues sont monnaie courante dans le Rap et peut être même dans la musique en général :
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Ulcéré, Maître Gims a laissé un message univoque sur Snapchat :
L’affaire a en tout cas effleuré l’un des maîtres d’œuvre du Rap français !
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Lartiste lance le #YouTubeChallenge :
Lartiste a lui aussi fait part de son indignation par rapport aux artistes qui avaient l’habitude de tricher. Il a même lancé le #YouTubeChallenge. Il propose aux artistes qui font de millions de vues d’afficher la provenance de leurs vues sur YouTube. Ainsi, si les vues viennent de pays asiatiques, il serait fort probable que ces artistes achètent des vues.
— Lartiste Baby (@TheRealLartiste) 8 octobre 2017
L’avis du spécialiste
Selon Julien Eagleof qui a enquêté auprès d’un professionnel de l’achat de vues pour le compte de Rapunchline : Les « vues Youtube » de certains artistes « reconnus » seraient fausses à … 90%, un chiffre incroyable, un véritable plébiscite fantomatique. Les chiffres impressionnants plaisent et régissent la destinée des titres en question, avec entre autres : des playlists radio obtenues, des passages sur scène, des propositions de sponsors… Le budget « financement de vues » est directement présent dans le budget prévisionnel de certains clips. À l’heure actuelle, Youtube, via ses statistiques, décide sans le vouloir de quel artiste est considéré « bon » ou « mauvais », une nouvelle maison de disque puissante car planétaire.
En raison de la confusion des sources, et de l’absence de statistiques officielles en la matière, on ne peut légitimer cette information à 100 %. En revanche, la prolifération des sociétés d’achat de vues, et les nombreux opérateurs sur le marché, ainsi que leur large reconnaissance laisse présager qu’un tel phénomène est au moins largement étendu, s’il n’est pas complètement généralisé.
Notre spécialiste en ce qui concerne les achats de Streams a également recueilli le témoignage suivant auprès du directeur d’une des plus grandes sociétés d’achat de streams : « Tout ce qui est informatique est modifiable et peut malheureusement être hacké. En dehors des techniques légales pour aider à faire monter les vues, les streams peuvent être gonflés. Ainsi, les Disques d’Or et de Platine, qui dépendent des streams, sont… achetables. Le marché des ventes est véritablement faussé. Evidemment, des artistes connus obtiennent véritablement les trophées tant convoités mais ils sont très peu. »
Des sociétés comme Boostium agissent en toute légalité pour permettre aux artistes de développer leur visibilité sur Spotify. Pour les rappeurs, l’intérêt principal est de donner de la crédibilité à leur musique, et ainsi attirer des auditeurs.
La faute à qui ?
Comment comprendre que les artistes ne regardent plus que les vues et en arrivent à de telles extrémités ? Dans la tête du public et apparemment de certaines maisons de disque, il semblerait que la viabilité d’un artiste se réduise à son nombre de vues, qui se doit d’être toujours plus impressionnant. C’est la raison pour laquelle on se retrouve aujourd’hui face à des chiffres qui frisent l’invraisemblable !
Mais qu’en est-il des médias ? Les disques d’or et de platines sont aujourd’hui le cœur de l’actualité et les médias font la météo des vues et des streams comme si la qualité d’un artiste dépendait uniquement de ses chiffres de ventes. Cela dit, si les médias en parlent continuellement c’est certainement que le public s’y intéresse fortement, et à raison. On aimerait tous pouvoir quantifier la qualité d’un artiste, pouvoir classer les différents talents sur une échelle objective. Mais est-ce vraiment possible ou non ? Peut-être en partie, mais dès lors que les chiffres sont faussés, le flou devient total. D’autant que les ventes ne constituent pas la part essentielle des revenus de beaucoup d’artistes, de nombreux paramètres tels que l’affluence en concert ou le succès du merchandising (marques de vêtements etc…) sont très révélateurs.