Voilà deux semaines que l’ultime album de Booba est sorti. Ultra, 14 morceaux, 7 featurings, une annonce qui avait étonné et même déçu certains auditeurs qui trouvaient que la tracklist n’était pas au niveau pour le final du Duc. Cependant, comme il fallait s’y attendre, ces quelques critiques n’ont pas empêché le projet de faire un démarrage énorme et de s’installer en haut du top stream. Retour sur ce dernier opus qui marque le début d’une nouvelle ère dans le rap français.
Un album efficace et actuel :
Lorsqu’on écoute l’album, il est évident qu’il ne s’agit pas d’un album fait pour les fans de la première heure, c’est un album du Booba actuel, pour le public majoritaire actuel. Le Booba de Lunatic ne reviendra pas. Cependant, le morceau RST contient une petite référence à Ali qui nous a tous fait sourire : « Ne vous méprenez pas c’est A.L.I le 667« . En ce qui concerne les prods, Booba s’est entouré d’une large sélection de producteurs comme Paul Redon sur l’excellent Grain de sable sur lequel nous reviendrons, Dany Synthé, Sayen, Alik et Yako et bien d’autres (nous vous invitons à vous renseigner sur Genius pour découvrir les noms des producteurs derrières tous les titres de l’album). En ce qui concerne le rap en tant que tel, nous ressentons le bagage musical que porte Booba en lui, ainsi que l’évolution artistique par laquelle il est passé. Beaucoup de chants, de mélodies se trouvent au sein du projet, même si les morceaux rappés présents dans l’album montrent qu’il maîtrise toujours aussi bien cet art (comme l’intro GP, le feat avec SDM, L’olivier ou encore 31 en feat avec Gato qui est un excellent morceau par exemple). L’album est calibré pour être au coeur des tendances actuelles et ainsi être percutant en matière de stream, de replay value etc.
Un regard différent sur sa carrière :
Dans l’ouverture du morceau Bonne journée, Booba dit « à 25 ans je me voyais fait« , une référence à sa carrière et qui peut faire écho à une phase de On m’a dit, morceau issu de Temps Mort : « Heureux si j’atteins la trentaine« . À 44 ans maintenant, avec 26 ans de carrière, le regard qu’il porte sur sa carrière est quelque peu différent dans cet album. En effet, au delà de l’egotrip présent sur cet album, nous ressentons une certaine forme de mélancolie ou de nostalgie. le temps est passé, des événements ont eu lieu et cela heurte forcément le rappeur : « J’ai perdu des amis, des vrais, de nombreux anges m’ont lâché » (issu de Mona Lisa). Pour appuyer cette idée, il est obligatoire de parler du morceau Grain de Sable en duo avec Elia. Jeune recrue de l’écurie 92i, la chanteuse livre ici une prestation de haut vol qui pousse le Duc à nous pondre un couplet marquant et émouvant. Ce couplet peut être une forme de constat de sa vie, abordé à travers la métaphore du pirate qui a vogué sur les mers toute sa vie et qui arrive sur une plage, seul, blessé après avoir affronté plusieurs obstacles de taille. Booba serait-il devenu le rocher qu’il voulait être lorsqu’il n’était qu’un grain de sable ? Cette interprétation est peut-être fausse mais c’est sur ça que réside la force du morceau. Chaque auditeur peut se faire sa propre interprétation.
Au Panthéon pour toujours :
C’est sur le morceau Dernière fois que le dixième et dernier album de Booba se termine. Un titre évocateur, qui prend la forme d’une sorte de baroud d’honneur, dans lequel Booba pose sa voix une dernière fois avant de se faire emporter. Voir Bramsito être sur l’ultime morceau de l’ultime album de Booba avait fait enrager beaucoup de personnes sur les réseaux sociaux. Une « colère » pouvant être légitime au regard de ce que le morceau devait incarner. Cependant, le morceau est bon, Bramsito livre une bonne performance et cet outro n’est pas un affront à la carrière de Booba. L’album n’est peut-être pas celui que les fans attendaient, mais c’est sur ce dernier que l’épopée se termine. Un tracklisting peu imposant, une collaboration avec Maes peut-être en dessous de ce que nous pouvions attendre comparativement avec les deux très bons hits que sont Madrina et Blanche. Mais l’album est dans l’ensemble assez bon, chacun y verra ses points forts et ses points faibles (comme certaines prods mélodieuses qui sont plutôt limitées et qui tournent en rond) mais nous devons accepter que Ultra est le dernier album de Booba, cette donnée rend peut-être plus clémente l’analyse d’un tel car il est pris par un sentiment de nostalgie, tandis qu’un autre est au contraire déçu car il estime que Booba n’est pas à son meilleur niveau. Il est le point final qui termine l’histoire et qui amène un nouveau chapitre dans lequel Booba ne sera plus présent, mais son nom, lui restera à jamais au panthéon du rap français.
Conclusion :
Nous avons eu le droit de voir Booba au top pendant 26 ans, c’est la fin maintenant. Ultra n’est pas la pièce maîtresse de la discographie de Booba c’est une évidence, cependant, ce n’est pas un mauvais disque, loin de là. Comme d’habitude, nous vous recommandons d’écouter le projet (si ce n’est pas encore fait) afin de vous construire votre propre avis. Profitons de cet héritage pour se pencher sur les artistes qu’il produit comme KRN, SDM, Bilton et bien d’autres. C’est maintenant que nous allons voir si la piraterie s’arrête ou non.