« Je suis venue avec mon piano en 2008, je reviens avec mon piano en 2021 » glisse une Léa Castel qui reste modeste quand on lui demande si elle n’a pas été à l’origine de l’éclosion de la chanson urbaine en 2008. « Back To The Future« , retour en 2008. Une jeune chanteuse fait son apparition dans le paysage médiatique, elle est épaulée par Soprano, un rappeur qui en est encore à ses balbutiements dans le petit monde la musique. Le succès de la chanteuse est tout simplement furieux. Avec « Pressée de vivre« , elle écoule près de 250 000 exemplaires. Elle est estampillée Variété Française, et pourtant ses titres passent en boucle chez Skryrock. Puis elle disparaît dans les couloirs du temps. 13 ans s’écoulent sans un album de Léa Castel… Mais pourquoi avoir choisi de disparaître des spotlights ?
« 13 ans ça paraît très long, j’ai dû faire au moins 4 albums qui ne sont jamais sortis depuis…Le souci durant toutes ces années c’était de réussir à faire quelque chose qui me ressemble vraiment, sans barrières et quand on rentre dans cette industrie c’est compliqué de se faire entendre si jeune. Donc j’ai dû essayer, échouer, réessayer, jusqu’à tomber sur un producteur qui décide de me faire confiance …Entre temps j’ai pu sortir des feats , musiques de films, ce qui m’a permis de rester quand même connectée. » Et pourtant le milieu de la musique a changé.
Le R’n’B ultra mal vu par les rappeurs français (« La vague R’n’B je la ferais mieux chanter dans sa chambre » Rohff) qui a été tué dans l’œuf a laissé place à une pop urbaine portée par le Wati B, puis par la chanson urbaine. Tous les rappeurs dignes de ce nom, même les plus gangsta rappeurs d’entre eux, ont désormais un titre de Chanson urbaine dans leur discographie. Alors c’est le moment idéal pour une Léa Castel déjà inclassable à l’époque ? Ou elle appréhende ?
« J’appréhendais énormément, c’est toujours délicat de revenir même en étant sûr de ce qu’on donne car on ne sait jamais l’accueil qu’il va recevoir. Mais j’ai la chance d’être entourée de personnes formidables avec qui je porte le projet, notamment le réal. Aujourd’hui je peux le dire, je suis contente !« . Et le retour est tout simplement grandiose. La chanteuse engage Alexandre Moors, un metteur en scène qui a traîne du côté de Jay-Z, ou encore Kendrick Lamar. Elle change complètement de galaxie. Dans son titre de retour « Amour à la haine« , elle dépeint les antagonismes amoureux dans ce mélange de clair obscur sentimental avec un visuel symphonique du réalisateur. Le public impatient pendant 13 ans lui donne son premier million (en vues) en quelques jours.
Quand on la félicite pour son titre grandiose, en lui signalant qu’on ne met pas autant de moyens dans la chanson urbaine d’habitude, elle s’esclaffe et reste toujours aussi modeste. Le bling apparemment ce n’est pas son truc, elle préfère garder les pieds sur terre : « Ahahah j’avoue, après ça c’est plus en interne l’imagerie. L’important c’est de réussir à transmettre. Parfois avec peu de moyens, on a des choses follement belles« . Youssoupha laissait entendre que le rap était devenu la « Chanson française » dans le titre du même nom. Plutôt provoc’ au moment de sa sortie, le titre n’a jamais été aussi véridique. Il y a de plus en plus de collaborations entre la chanson française et la musique urbaine. Alors la musique urbaine c’est la nouvelle chanson française : « Pour moi il y a jamais eu de différence. Pour être honnête l’album était dans les bacs en variété française et pourtant j’avais des feat urbain et je passais sur Skyrock. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui on a moins peur de collaborer, moins peur de créer ensemble et ça c’est génial. »
En tant qu’artiste, elle n’a qu’un seul conseil à donner : « Je pense que l’important c’est de se faire confiance sur tout, notre singularité et notre personnalité feront le reste du boulot pour pouvoir se démarquer. »
Est ce que vous saviez que Léa Castel avait réalisé son deuxième single avec Gringe sur le titre « Pas tout compris » ? Elle a expliqué que les deux artistes ont tenté de retranscrire sur le papier leur vraie relation dans la vie :« J’ai choisi Gringe car je parle de nous, c’est une vraie histoire entre nous, tout ça s’est fait naturellement et puis le message est cool, faire des chansons avec des exs ». Certains ont du mal à rappeler leurs exs, pour Léa Castel, l’évidence c’était bien sûr de réaliser une psychanalyse en musique de quoi exorciser le mal ou raviver le bien. Le projet « à venir » de la chanteuse comportera des featuring de Gringe, mais aussi Jenifer et Jul.
Son featuring avec Jul vient tout juste de sortir. Le choix du rappeur marseillais aussi authentique dans la vie que « bankable » dans les charts s’est imposé de lui même :Pour Jul je trouvais beaucoup de sens à collaborer avec lui. C’est un mec de Marseille, qui n’a jamais suivi de codes, qui enchaîne depuis son arrivé dans le game. On a ces points communs sauf que lui produit beaucoup et moi non ahahah mais c’est le même état d’esprit, c’est de se faire plaisir et faire plaisir. Et pour mes amis du sud c’était un cadeau, faire unfeat avec lui c’est une fierté ! ». Sous ces airs de « machine » du rap français, le rappeur français est un véritable OMNI (objet musical non identifié) capable de visiter toutes sortes de styles en un seul album.
Avec « Pressée de vivre« , la chanteuse s’était faite une spécialité dans l’analyse des sentiments amoureux. Alors l’amour en 2K21, plus difficile à analyser : « Au contraire, c’est hyper intéressant de parler d’amour. Aujourd’hui on vit dans un monde où l’on veut tout maîtriser mais l’amour est le seul essentiel à nos vies qu’on ne peut pas maîtriser. Ce sujet est le plus passionnant et le plus parlant à mon sens. »
Pour finir l’interview on lui demande ce qui a changé en 13 ans ? Je pense que le temps et l’expérience de vie nous apprennent énormément sur ce qu’on est vraiment. On ne change pas, on évolue, je reste la petite fille de 17 ans comme à l’époque parfois ! Disons que j’ai appris à vivre en tant qu’adulte et m’assumer vraiment, ça va forcément se ressentir musicalement aussi
On attend son projet avec impatience.