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« JVLIVS » en 5 Punchlines !

« Un album en 5 Punchlines » c’est un nouveau format d’article chez Rapunchline, écrit en collaboration avec le site d’actualité belge « moody-or-not.com ».
Ici, nous allons tenter de vous donner un aperçu aussi complet que possible d’un album en décryptant 5 punchlines soigneusement choisies. Aujourd’hui c’est «JVLIVS » qui est à l’honneur.

« On t’ligote en tortilla, les fantômes t’incendient, ouais. La fille abasourdie, ouais, le chien m’a pas senti, ouais » – Skydeweler

S’il est souvent facile de connaître les goûts et les couleurs d’un(e) artiste que l’on chérie, il est globalement moins aisé d’appréhender la manière dont il s’identifie un en tant que personne. Et pour aller plus loin, en tant qu’être humain de manière générale. Une chance pour ceux qui l’apprécient, JVLIVS est l’album qui va permettre à ses auditeurs, de rentrer au plus profond de ce que SCH peut nous livrer.
Pour commencer, on y apprend que le S’ (comme il aime s’appeler lui-même) se considère comme une âme errante. Une âme froide, au cœur qui brûle d’une envie insatiable de violence et de vengeance : « Regards froids, noirs et vides comme s’il y avait qu’du feu dans nos cœurs et nos tripes » (VNTM). Lorsqu’il ligote sa victime « en tortilla », ce n’est pas lui avec toute sa raison qui le fait. Cet acte n’est commis que par le fantôme qu’il reste de lui-même. Cette vision des choses est encore accentuée par la ligne suivante, où le rappeur nous décrit une fille abasourdie de voir que le chien de la police ne s’est même pas approché de lui pour le sentir.
Comme s’il était hors de ce monde : « Un revenant qui prend possession d’un corps pour crier la vérité » (Tokarev). Voilà comment se définit le natif de Marseille tout au long de cet album. Sa « musique des ténèbres » (Facile) qu’il compare à Cerbère « sans laisse » (Chien à 3 têtes qui garde la porte des âmes en enfer dans la mythologie grecque) est un moyen de faire entendre des voix de l’au-delà dont il estime lui même faire partie.

« Un toast à ta santé, une cave et tu sais qu’il y a pire que mourir » – Pharmacie

C’est peu-être ici l’un des exercices préféré d’SCH : allier dans une même phrase le plus beau et le plus laid. Et l’explication à ce phénomène est très simple : l’artiste est autant passionné par l’un que par l’autre.
De la même manière qu’on l’entendra parler des plus grands crus de vins bordelais – « J’bois du Château Margaux, j’laisse la ‘teille décanter » (Prêt à partir) – on pourra l’entendre dire : « Si j’écoutais mon cœur, j’ferais des homicides, rien à foutre. Mains tachées de sang car le bruit des flingues a sa poésie. » (Bénéfice) Cette double fascination qui flirte parfois à la limite de la schizophrènie est on ne peut mieux représentée par ce toast et cette fameuse cave.
Alors qu’il est sur le point de porter un toast avec un verre de vin ou de champagne provenant certainement d’une cave réputée, l’artiste de 25 ans nous rappelle que c’est aussi dans ce genre de lieux que se passent les choses parmi les plus horribles que l’on peut faire subir à un homme. Des sévices qui nous feraient très certainement préférer la mort que de les subir. Sch aime commettre des actes répugnants tout en y mêlant le sacré.
Comme lorsqu’il nous affuble d’un perturbant « J’plante Excalibur tout au fond d’leurs seufs » (Facile). Cette violence omniprésente et pourtant, jamais dénigrée ou accusée, est l’un des symboles de l’univers si singulier qu’a su bâtir l’artiste dans son projet.

« Les films ont déteint. Nous, on prend la haine, on t’éteint » – Otto

Bien que l’univers du marseillais comporte tout un tas de caractéristiques qui le rendent à part, ce projet en particulier se distingue des autres : il est conçu de la même manière qu’un film. En effet, c’est avec une voix off que démarre l’album, et pas n’importe laquelle !
Il s’agit de la voix qui fait la doublure d’Al Pacino dans les versions françaises de ses films. On s’aperçoit très vite de l’attirance du chanteur pour le monde de la mafia et ce qui l’entoure. C’est donc tout naturellement qu’il a choisi la voix de doublure d’une des plus grandes figure mafiosi du cinéma, pour interpréter ce rôle.
Tant au niveau de la construction de ses textes, du lien qu’il existe entre ses différents morceaux, ou encore des ambiances musicales tout au long de l’album, JVLIVS s’écoute dans l’ordre et avec une vraie ligne conductrice. C’est sans doutes l’une des raisons qui explique l’absence quasi-totale de featuring. De plus, pour garder une cohérence musicale tout au long du projet, 14 des 17 morceaux présents ont été produits par Katrina Squad. Les producteurs à l’origine du succès de son premier album sont de retour ici et ont sans doutes largement contribué à l’élaboration du cheminement musical de l’œuvre.
La voix off ne se contentera pas de démarrer l’album pour se retirer ensuite. Elle rebondira à plusieurs reprise à la fin de certains morceaux tout en étoffant le récit que nous raconte SCH. Elle permettra d’apporter une dimension supplémentaire à l’œuvre déjà bien fournie, et l’ambiance musicale changera après chacune de ses interventions. Donc lorsqu’il nous dit que les films qu’il regardait en étant plus petit ont déteint sur lui au niveau de sa violence, c’est visiblement tout aussi vrai pour tous les autres domaines de sa vie. Autant dans sa construction que dans ce qu’il raconte, JVLIVS est à l’image d’un film de mafia, tel que se les imagine S’.

« J’te vois tout l’temps dans l’ciel bleu, j’sais qu’t’en rêvais dans c’putain d’lit. J’crois qu’mon cœur est juste plein d’bleus, j’crois qu’j’vais pas dormir de la nuit » – J’t’en prie

Dans la vie de tout à chacun, perdre ses parents est souvent l’une des épreuves les plus compliquées à surmonter. On apprend que Julien (vrai prénom de SCH, d’où est tiré le titre de l’album) en a fait l’expérience récemment avec la disparition de son père.
Ce disque est donc rempli d’hommage à son égard, le rappeur allant même jusqu’à nommer un de ses titre de son prénom : « Mon daron s’appelait Otto, il aimait pas les putos » (Otto). Cependant, il s’agit ici de bien plus qu’un simple hommage. Tout au long de l’album, Otto sera mis en scène comme l’un des personnages principaux de cette histoire. Tant dans la narration que dans les titres, on sera tantôt baladé entre les véritables confessions du marseillais qui n’arrive pas à passer au dessus de cette terrible épreuve et celles qui s’apparentent un peu plus à un romancement de son histoire de bandit : « Seventies, un shlass, un cuir noir, père écoute pas la funk » (Tokarev). Difficile donc de distinguer le vrai du faux, tellement l’artiste a su mélanger les deux mondes qui le composent aujourd’hui ; ceux de Julien d’une part et d’SCH d’autre part.
Mais s’il y a bien une certitude que l’on peut retirer de ce tragique événement, c’est que le rappeur éprouve toutes les peines du monde à surmonter sa tristesse. Dans cette punchline remarquablement écrite, on observe les parallèles qui sont fait entre le bleu du ciel, signe d’immensité et d’apaisement pour le défunt, et le bleu qui recouvre aujourd’hui le cœur du héros, meurtri une nouvelle fois par les épreuves de la vie. Ce parallèle continue lorsque l’auteur confronte le repos éternel dans lequel son père est plongé, et les nuits de sommeil qu’on lui a retiré pour longtemps.

« L’enfer m’attend, vertu et vice mais j’veux des habits neufs. Et puis l’paradis serait triste sans mes reufs » – Bénéfice

Dernier titre de l’album, « Bénéfice » pose un ultime bilan sur la longue introspection qu’auront été ces 17 morceaux. Et ce bilan est à l’image du personnage ; sombre, terre à terre et souvent fataliste : « Adolescence et tu connais les risques. On mange dehors, après on nourrira le crime ». Au final, on comprend que cette vie n’est même pas un choix, elle s’est imposée d’elle-même comme une évidence.
SCH n’a plus peur du mal, du diable (si seulement il en avait eu peur un jour ?), il est prêt à le rencontrer pour atteindre ses objectifs : « Viser la lune, un sourire au diable » (Le code). Depuis que sa mère lui a dit qu’il était un homme, S’ a fait face à Iblis (diable dans l’islam) sans se poser de question. Une attitude en concordance totale avec ce qu’il nous explique sur la vision qu’il a de son identité. De toute manière, ses envies seront toujours dirigées dans la même direction, et celles de son entourage aussi.
Lorsqu’on est un loup, on vit avec des loups, et c’est exactement comme ça que le narrateur a identifé notre homme depuis les toutes premières lignes de l’introduction : « Les loups font des loups et basta. Et le loup, il a bien grandi : les crocs lui ont poussés et l’appétit aussi. » Si cet album est en partie une ode à la famille et à l’entourage proche de l’artiste, qu’il s’est promis de ne jamais trahir, il est aussi un album où le thème de la solitude est omniprésent. « J’ai mes plus belles étoiles là-haut, mes amis derrière les barreaux » nous disait il encore dans « Skydeweler ». S’il ne peut pas être avec eux dans cette vie, autant y être dans la prochaine, quitte à ce que ce soit en enfer.
Mehdi T.

ZeZ XXI
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