Comment le Rap peut sortir de ses stéréotypes ?? Le Rap est souvent associé aux belles voitures, aux belles femmes, aux montres en or, aux guns et aux gangster’s, symbole de réussite d’une Thug’s Life. Mais le Rap composante essentielle du mouvement Hip-Hop est beaucoup plus large qu’on ne le croit. Et entre un Migos et un A$AP Rocky, il y a souvent un monde de différence. Mais alors qu’en France, le public semble s’être emparé du Rap favorisant la Pop Urbaine, l’Afro Trap et La Trap, aux Etats Unis le Rap semble renaître de ses cendres avec des artistes comme Kendrick Lamar, School Boy Q ou encore Joey Bada$$. Retour sur la renaissance d’un art en décomposition.
Kendrick Lamar : Le digne héritier des princes de Compton
Cette année a été riche en actualité pour la ville de Compton. Pour preuve, le biopic de NWA (le groupe de Dr Dre et Ice Cube), groupe originaire de Compton, a crevé les écrans pendant de nombreuses semaines. Dans « Straight Outta Compton », vous pouviez retrouver Dr Dre à ses débuts. C’est l’un des rappeurs mais surtout des producteurs les plus doués de sa génération. Dr Dre a gouverné la West Coast pendant de nombreuses années déboulant avec des artistes extraordinaires comme Snoop Dogg (signé chez Death Row comme lui) ou plus tard Xzibit, Lil Bow Wow, ou Eminem (qui fondera le label Shady Record où sera signé un certains 50 cent). Le style, la musicalité de la West Coast, ce rap à la fois ambiancé et engagé directement importé de son groupe NWA a dominé les débats jusqu’à ce que le SUD des USA fanfaronne avec la Trap et cette electro Rap dont Rae Sremmurd s’est fait une spécialité.
Pour fêter la sortie de son film, Dr Dre a sorti un album solo, chose assez rare pour être signalé puisqu’il s’en était abstenu pendant une quinzaine d’année. En promo chez Beats 1 (qu’il a vendu à Apple pour 1 milliard de dollars), Dr Dre a fait savoir que son dernier opus allait laisser la place à la jeunesse. Effectivement sur l’opus, Dr Dre se fait rare ou il est très souvent accompagné sauf sur le son « Talking to my Diary » qui a fait le tour des radios.
Et la nouvelle génération se résume presque à Kendrick Lamar. Le rappeur est lui aussi originaire de Compton et il est omniprésent sur l’album de Dre. Il a fait ses armes avec un album extraordinaire intitulé « Good KID, MAAD City » dont sont tirés quelques gros tubes comme « Swimming Pool » ou « Bitch don’t Kill My Wibe » et il vient de sortir « To Pimp a Butterfly », un album tout bonnement époustouflant qui a battu tous les records aux USA.
Kendrick Lamar n’est peut être pas aussi puissant que Dre, mais il a su apporter avec sa patte artistique quelque chose qui manquait au Rap américain : un rap bien imaginé musicalement qui sort des clichés dont lesquels on tente toujours d’enfermer les rappeurs.
Un rappeur engagé mais loin d’être atone !
C’est souvent le problème des rappeurs qui ont un discours et du phrasé, ils rejettent la musicalité. C’est tout le contraire de Kendrick Lamar. Dans son dernier album « To Pimp a Butterfly », le jeune prodige alterne entre différents styles et entre différents genres manipulant une certaines forme de Jazz, la Pop, le Boom Bap et la Trap...
Le titre « I » avec lequel Kendrick Lamar a présenté son dernier album est à ce titre assez révélateur. C’est ici que l’on sent toute la musicalité et le génie d’un Kendrick Lamar. C’est une ambiance et une force.
Au moment où les bavures policières contre les minorités se multiplient aux USA, Kendrick Lamar fait entendre une voix discordante avec son fameux titre « The Blacker The Berry ». Dans ce long monologue, il apparaît presque schizophrène et il met à nu la condition de l’afro américain malmené par des siècles de ségrégation et aujourd’hui par le racisme.
Avec ce titre, Kendrick Lamar allie le fond et la forme. Pas besoin d’être barbant ou donneur de leçon pour faire passer un message, celui d’un mal être. Il y a une véritable poésie dans ces vers. Le mal être est musical avant d’être lyrical.
Dans ce cadre, dédicacer un titre au rebelle Kunta Kinté le héros de la série « Racine » (et personnage historique à ses heures perdues) est un grand classique que Kendrick exécute avec grâce dans le titre « King Kunta ».
Un rappeur aux antipodes du Rap et du Rap Game !
Tous ceux qui ont vu un clip de Kendrick Lamar sont unanimes. Il n’y a pas meilleurs clips que ceux du prodige de Compton. Loin de visiter L.A avec une grosse gamos qui bouge avec des billets violets, de l’or, et quelques flingues en poche, Kendrick sort le Rap de son côté « beauf ».
On aurait presque tendance à se laisser aller et dire qu’avec son côté Chile, Kendrick Lamar est le « bobo », ou le « hipster » du Rap. Ce serait oublier son engagement pour la cause afro-américaine. Dans « AllRight » il se fait descendre comme un oiseau au dessus du ciel par un flic désarmé. C’est sans doute le plus beau clip de Kendrick Lamar.
L’un des rappeurs les plus récompensés !
Aux derniers « Grammy Awards », Kendrick Lamar a été nominé autant de fois que Michael Jackson à l’époque (enfin presque à une nomination près). Il a obtenu pas moins de 11 nominations.
Il partira tout de même avec le prix du clip de l’année, de l’album Rap de l’année, et de la chanson de l’année pour « Allright’. Kendrick Lamar est aussi le rappeur préféré du président Barack Obama. Le président adore son titre « How Much cost a Dollar ». Et les deux hommes se sont déjà rencontrés.
Kendrick Lamar est le symbole d’une génération Rap qui est sortie de son sommeil.