Kery James l’avait prédit quelques années plus tôt en Interview sur Mouv’ Radio : « le rap a beaucoup changé ». En dehors de cette tendance assez générale qui pousse les rappeurs à privilégier la forme sur le fond, le visuel a désormais une importance considérable aussi bien en France qu’aux USA aussi bien que le story telling. Pour le story telling, le précurseur en la matière est un certain Ghostface Killah. Natif du Wu-Tang Clan, le rappeur raconte des histoires dans ses albums. Le « 36 seasons » conte par exemple l’histoire âpre d’un thug qui sort de prison et voit le monde s’écrouler autour de lui.
Au niveau des albums visuels, c’est sans doute une certaine « Beyonce » qui lance le mouvement avec « Lemonade ». La révolution numérique dans le cinéma, la montée en puissance des budgets dans la musique urbaine, explique qu’aujourd’hui le visuel, le vidéoclip, est un art en soi. L’art visuel représente-t-il aujourd’hui une nouvelle composante du mouvement hip-hop ?
En France, il y a Lacrim et son « Force et Honneur », PNL et sa saga « Béné », et bien sûr SCH et son « Jvlivs ». Avec le premier volet de son opus visuel, le rappeur originaire d’Aubagne a transgressé tous les codes du rap français. En rendant un hommage vibrant à son père « Otto », en mêlant sa propre histoire a une intrigue complètement imaginaire, il s’est établi comme un roc planté aux frontières de la réalité et de la fiction. Il laisse aussi à Fifou le soin de réaliser en partie son film album. L’homme a une patte artistique surprenante et totalement décalée. Il réalise les covers imperméables aux stéréotypes d’un certain Youssoupha, et sa carte de visite s’échange plus dans le Rap que celle d’un manager célèbre.
Après la sortie de Jvlivs, le rappeur marseillais organise un entracte avec « Rooftop ». L’album très abouti est loin d’être un opus lancé dans le vide « en attendant Jvlivs 2 » mais les fans veulent une suite. Alors invité sur « La boîte à questions » de Canal Plus, le rappeur crée une attente incroyable : « L’intro de JVLIVS II sera digne des plus grandes intros de ce rap FR ». Le rappeur prend alors un risque énorme.
Dès ses débuts, SCH a été loué pour son storytelling, la qualité de ses visuels, et cette cohérence incroyable entre l’atmosphère de ses morceaux, l’ambiance visuelle, et la tonalité artistique. Le titre « Gomorra » extrait de sa première mixtape « A7 » est à ce titre assez révélateur pour le storytelling, comme le titre « Pharmacie » pour la cohérence du tout. Mais il y a autre chose. S’inspirant des thèmes de l’anarchie, usant souvent dans ses morceaux, les couleurs rouge et noir (couleur du mouvement anarchiste) le rappeur se pavane dans la noirceur.
Et il l’a promis, « Jvlivs 2 » sera beaucoup plus sombre que le premier. Pour preuve, Freeze Corleone, rappeur subversif pour ne pas dire complètement polémique, est l’un des premiers featurings annoncés. Autre chose, il prévient le « Quotidien » qu’il se servira du contexte de crise que nous vivons : « On vit une période tourmentée, et ça serait con de pas s’en servir pour cristalliser tout ça. Je me sers du contexte actuel mais l’histoire reste la même ».
L’intro de « Jvlivs 2 », « Marché Noir » vient tout juste de sortir. Et effectivement le S vient de passer un cap. Lui qui est déjà habitué au disque de platine et au succès des bacs réalise tout simplement le meilleur démarrage de sa carrière avec 3,7 millions d’écoutes en une semaine. Un rappeur « nwar » pour une période obscure.
