Montfermeil n’a jamais eu bonne presse. C’est une ville située par très loin de Sevran qui sert de réservoir à « Faits Divers » pour les divers journalistes qui s’y risquent. En 2005, Montfermeil était l’épicentre des émeutes urbaines, viviers de talents mais également de rebelles, là où la rose côtoie le glaive, où le souffre s’embrase avec le feu.
En 2008, la ville s’illustre encore dans un « Faits Divers ». En effet, le 14 octobre 2008 vers 22 H, les agents de la Police judiciaire interpelle un jeune dans l’appartement de ses parents au 5 Rue Picasso. Le jeune homme est menotté puis frappé dans l’escalier de la cité. Ladj Ly, habitant de l’immeuble alors, filme la scène en direct. Les agents de la police ayant pris part au lynchage sont condamnés à 4 mois de prison avec sursis après un jugement accablant et de « surprenantes » disparitions de dossiers au cours de l’enquête.
C’est dans ce fait divers que naît « Les Misérables » de Ladj Ly. Pourquoi avoir choisi ce titre pour intituler son film ? Sans doute parce que l’oeuvre de Victor Hugo elle aussi commence à Montfermeil : « En1823, il y avait à Montfermeil ni tant de maisons blanches, ni tant de bourgeois satisfaits. Ce n’était qu’un village dans les bois »
Depuis une semaine, le film du membre du collectif Kourtrajme qui n’avait toujours pas de date de sortie officielle en arrivant à Cannes a ému les insiders et le public. Servi par un casting très local avec des acteurs ayant par exemple joué dans les clips de PNL, ou encore une figure du militantisme Almamy Kanouté, « Les Misérables » amène les quartiers en général, et Montfermeil en particulier, dans le champ du visible. Le film de Ladj Ly n’est pas un brûlot contre la Police, ni un appel à la violence, il humanise et donne des visages à ce que les élites appellent « le problème des quartiers ». Il y a plus de vie et de réalité dans « Les Misérables » que dans les sujets d’actualité qui s’empilent dans les rubriques faits divers.
« Les Misérables » laissent cependant un léger goût amer. Il y a 25 ans, le réalisateur Mathieu Kassovitz remportait la palme d’or à Cannes avec son clip « La Haine ». Le film décrivait les aventures de trois mousquetaires des quartiers après une bavure judiciaire. 25 ans après le cri d’alarme de Mathieu Kassovitz, le chant de Ladj Ly ne paraît pas anachronique ni dépassé. Rien n’a changé.
Samedi soir, le réalisateur est parti avec le prix du jury. Entre Quentin Tarantino, Jim Jarmush, les frères Dardennes, et Pedro Almodovar, tous grands maîtres du cinéma, Ladj Ly vient de réaliser un exploit.
« Les Misérables » récompensé au Festival de Cannes !
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