La sanction vient tout juste de tomber. Après plusieurs jours de remue ménage médiatique, le Parquet qui représente le Ministère Public vient d’ouvrir une enquête contre le rappeur Sneazzy pour: « provocation non suivie d’effets à la commission d’un crime ou d’un délit par moyen de communication au public par voie électronique ». L’enquête a été confiée à la brigade de la répression de la délinquance contre la personne. Ces derniers jours, le bal médiatique avait déjà commencé.
Vendredi dernier, Sneazzy dévoilait son album « Nouvo Mode« , savant mélange d’influence rap, et cloud, entre titres vaporeux et titres plus percutants. Dans cet album, il réalise un featuring avec son acolyte Nekfeu sur le titre « Zéro Détail« . Tout en égotrip, le rappeur passe la France des médias au scalpel. Mais l’un des versets prononcés par Sneazzy va « allumer le feu » :
Les journalistes salissent l’islam sont amateurs comme Pascal Praud/Ça mérite une balle dans le cervelet/Le canon au fond de la bouche/J’suis musulman et fier de l’être/On va jamais m’traîner dans la boue
Sortis de leur contexte, les propos de Sneazzy font l’effet d’une bombe, et Pascal Praud interrogé par un grand quotidien national se dit tout simplement « stupéfait« . Le magazine Cnews en a même fait un sujet :
Pascal Praud menacé de mort dans un clip… Ils en ont parlé dans #HDPros avec @PascalPraud ➡ Le replay de l’émission : https://t.co/CFc2w849t2 pic.twitter.com/veWY0vPZwv
— CNEWS (@CNEWS) March 9, 2020
Le rappeur écrit alors un long pamphlet sur Facebook pour s’expliquer sur ses propos. Il a publié ce discours il y a quelques jours seulement redonnant à ses lettres mortes l’esprit réel qu’il nécessitait pour être vraiment entendu. Lui aussi se dit « Stupéfait« .
Son clip avec Nekfeu a également été supprimé, Sneazzy assure qu’il n’y est pour rien et qu’il met tout en oeuvre pour le remettre en ligne au plus vite
#JeSuisSneazzy franchement je trouve ça injuste genre c’est n’importe quoi pic.twitter.com/knnfPelIFF
— idiote (@suzannelabanann) March 10, 2020
Peu de temps après, le hashtag #JeSuisSneazzy était en Trending Topic sur Twitter toute la journée pour montrer le soutien envers le rappeur. Déjà pour prôner la liberté d’expression artistique des paroles de Snz mais aussi pour comparer le traitement médiatique qui lui est attribué lorsque l’on pense à Mila, qui avait insulté l’Islam et proféré des propos offansants pour des millions de musulmans, à Polanski où pour lui on a réussi à différencier les horreurs faites par l’homme sans entâcher ses « oeuvres » ou encore à Luc Ferry ou même au pantin Zineb El Rhazoui qui ont tous les deux proposé de tirer à balles réelles sur les gilets jaunes pour le premier et sur les jeunes de quartier pour la seconde sans que là, ni le parquet, ni personne ne se soit soulevé pour condamner fermement ces propos.
Ce n’est pas la première fois que la Justice et le Rap s’affronte au court d’un procès. Les pionniers de NTM en avait fait l’expérience en 1993 pour le titre « Police » extrait de l’album « J’appuie sur la gachette« . Et quelques années plus tard, dans leur dernier album en commun, ils avaient mis en lumière dans le titre « On est Encore là » la différence de traitement entre les textes des rappeurs et l’extrême droite : « de celui qu’on ne censure pas, de celui qui parle de race supérieure et que l’on invite à tous les débats » en visant Jean-Marie Le Pen.
Les internautes qui font front autour de Sneazzy avec le hashtag #JesuisSneazzy entré dans le top Tweet se servent d’arguments similaires autour des deux poids deux mesures.
Indignation à géométrie variable !
Vous étiez où quand il fallait condamner les propos des amis de Pascal Praud ?
Ces appels aux meurtres et à la déportation ne sont pas une fiction mais bien réelles ! 🔽🤔😏#JeSuisSneazzy #Hypocrisie pic.twitter.com/q4aOKp1SOR
— 🙈🙉🙊🇫🇷🇲🇦🥊 (@iamfunk) March 11, 2020
Des stars comme Gims apportent également leur soutien à Sneazzy :
Gims affiche publiquement son soutien à @sneazzy :
« #JeSuisSneazzy, je suis vénère, je suis saoulé, je suis fatigué ! » pic.twitter.com/kkZFzW6nuC
— Kultur (@Kulturlesite_) March 11, 2020
Quoiqu’il en soit, cette affaire marque comme beaucoup d’autres la fracture en France. Il n’y a pas contrairement à ce que laissait entendre Jacques Chirac uniquement « une fracture sociale » ou « une France d’en Haut, et une France d’en bas » comme le disait Jean Pierre Raffarin. Non en réalité, chaque attaque contre le Rap ou ses représentants montre que la France a du mal à se comprendre. Et la musique urbaine étant le genre le plus écouté aujourd’hui en France, peut-être que la France a du mal à se regarder dans la glace sauf les soirs de victoires en Coupe du Monde.