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Sauveur Eloheem – Les ailes brûlées

 

Les ailes brûlées de Sauveur Eloheem

« Si tu veux pas perdre des proches, ne leur dis jamais La vérité. »

Avec Les ailes brûlées  (Deluxe), Sauveur Eloheem livre un dernier souffle. L’artiste, après ce projet, a décidé de se taire. De ne plus rapper. Et cette décision n’est pas un effet d’annonce : elle traverse tout le disque. Ce n’est pas juste un album, c’est une extinction. Une solitude hurlée sous une voix étouffée, un cri sourd noyé dans un brouillard existentiel.

Le son est boombap, mais ralenti, comme freiné par le poids de la matière. Les productions empruntent à des samples presque christiques, qui viennent amplifier le malaise. Pas de lumière ici. Juste une subjectivité crue, un homme qui tente de sauver sa dualité par la parole. Sauveur Eloheem chuchote ses angoisses à l’oreille de la mort.


Une écriture existentialiste, un fléau pour interlocuteur

Chaque morceau est un dialogue entre l’artiste et le fléau. Ce n’est plus l’auditeur qui écoute : c’est la mort qui répond. On pense à Nietzsche, bien sûr — philosophie noire, volonté de percer l’origine de la morale, mais sans surplomb. Ce n’est pas une leçon. C’est une descente.


“Nécrocides” : le chaos comme genre

Dans le morceau Necrocides, Sauveur Eloheem s’enfonce encore plus loin dans le référentiel horrorcore. Mais il s’agit là d’un horrorcore polémique, pas d’un jeu de scène. Pas d’imagerie gratuite : de la chair, de la perte, de la lueur.

Il ne reste rien. Même la lumière est emprisonnée. Le style est cru, mais sans violence démonstrative. C’est le réel, brut, vidé de ses illusions.

Dans Anémones, la souffrance franchit une étape : elle devient violence verbale pure.: « une vague qui revient renvoie tout ce qu’on lui a donné » 

L’image est celle d’un arrachement. Plus rien ne tient. Pas même ce qui tenait Sauveur Eloheem debout.


La pluie, Cage et le drame commun. On a deux featurings, « La pluie” et “Cage”, dans un beau drame creusé de pensées ironiques et destructrices. »

Ces deux featurings ne viennent pas équilibrer le propos, ni offrir un contrepoint musical. Ils s’inscrivent dans le même gouffre. Loin d’être des ajouts, ils deviennent des voix dans un parc désert, échos d’une jeunesse sans illusion, totalement dévorée. C’est un monde post-espérance, une fresque où les présences sont des absences prolongées.


Pluie de sang

« Avec “Pluie de sang”, Sauveur Eloheem rape sur une marche funèbre. Les mots frappent le papier comme des gouttes de sang dont Sauveur se vidait. »

On ne peut pas mieux dire : ici, les mots ne sont plus des armes, mais des pertes. Le rap n’est plus un moyen d’expression, mais un mouvement d’agonie maîtrisée. On entend ce qui se perd, ce qui saigne, ce qui ne reviendra pas.


Sauveur Eloheem, dernier cri

Ce projet n’est pas seulement le dernier d’un artiste. C’est aussi la fin d’un cycle. Celui d’un rap lucide, philosophique, narratif, angoissé. Celui d’un homme qui, à l’instar des figures de l’underground new-yorkais qu’il convoque (Necro, Bill), a choisi de dire l’insoutenable sans le maquiller. Mais aujourd’hui, ce style n’a plus d’écho.

Les valeurs sont inversées, dis-tu. Et l’époque ne veut plus entendre ce que Sauveur Eloheem avait à dire.

Alors il se tait. Mais avant, il a brûlé ses ailes. Et nous laisse leurs cendres.

ZeZ XXI
ZeZ XXI
@zez_xxi
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