Stone Dukeutru, le nouveau visage du métissage culturel
Stone Dukeutru est le nouveau visage du métissage culturel. Dans une France un peu éméchée de clichés, il suffit de venir d’une cité et de faire de la musique pour être automatiquement qualifié d’artiste « urbain ». Gims en a fait les frais, critiquant vivement l’expression « musique urbaine » qui englobe aussi bien l’afro d’Aya Nakamura que le rap plus brut de PNL ou Booba.
Pourtant, arrivé en France depuis le Cameroun, et ayant grandi dans un environnement mélomane, tirant ses inspirations de chanteurs traditionnels comme Koffi Olomidé, mais aussi d’artistes de rap ou de variété française, Stone Dukeutru a développé un art du mélange : il joue avec les influences et bouscule les frontières musicales. Et ce n’est pas tout ! Si le rappeur propose une palette sonore allant de l’afrobeat à des titres plus marqués par la culture US et européenne, il a aussi développé un concept original dans son EP « Sadly Happy ».
Un concept original : « Sadly Happy »
Avec ses trois premiers extraits – « Ho Ma Chérie » (sorti en janvier 2025), « ChaO » (février 2025) et « Yeah Oh », d’abord dévoilé en single puis accompagné d’un visuel sorti aujourd’hui – l’artiste joue sur le contraste. Le contraste entre une composition instrumentale joyeuse et des paroles teintées de réalisme, parfois même de fatalisme.
Mais n’est-ce pas là un reflet de notre époque ? Nos sociétés européennes traversent une période d’incertitude, où les acquis sont remis en question et où la jeunesse aspire à davantage de droits, de bonheur et de liberté. C’est ce décalage saisissant entre l’envie d’émancipation et une réalité parfois accablante que Stone Dukeutru cherche à exposer à travers « Sadly Happy ». On retrouve une philosophie similaire dans « Paradis » de Booba et son refrain ambivalent :
« Mon rap a été crucifié à en devenir Christ (Christ) / Vivre à en crever, rire à en devenir triste / Fuck le samedi, le lundi, le mardi »
Une vraie direction artistique
L’artiste développe son concept tout au long de son EP, et c’est remarquable. Car, à la manière des albums et EPs d’une époque révolue, la démarche artistique de Stone Dukeutru ne se limite pas à la recherche d’un hit parmi 15 morceaux : il construit un véritable projet, avec un fil conducteur clair.
Il le dit lui-même :
« Ne crois pas en la chance, la réussite comme un antidote ! »
« Plus d’humanité, je suis dans le noir, j’ai perdu mes ailes. »
Un visuel fort pour « Yeah Oh »
La composition instrumentale du morceau est signée Abbas Master, beatmaker reconnu ayant collaboré avec de grands noms du rap français tels que Kamelancien, Sultan, La Fouine, Dany Boss ou encore DJ Skorp.
Le morceau intègre des samples d’instruments africains, notamment du xylophone, combinés à une rythmique plus urbaine, pour un rendu à la fois ancré et ouvert. L’ambiance est maîtrisée, le tout baigne dans une belle énergie.
Stone évoque également ses doutes en tant qu’artiste, avec une plume à la fois caustique et lucide, comme il sait si bien le faire. Il y a de l’espoir, de l’ironie, de l’humour et du réalisme :
« La cité je vais la quitter », ou encore « J’ai remué le Sablier ».
Son flow est totalement singulier, profondément marqué par sa personnalité. C’est ce qui lui donne sans doute son unicité dans le game.
Une esthétique visuelle affirmée
Dans le visuel signé Usky Production, tout comme pour « Oh Ma Chérie », l’artiste de Nara Prod occupe l’espace sur une plage. Et c’est avec un charisme certain et une forte présence scénique que Stone Dukeutru fait vivre ce décor de sable fin, qui sans lui semblerait vide. Il donne du mouvement, du relief, du sens.
Oui, Stone Dukeutru a quelque chose de très particulier.