Le Morceau : Apocalypto est un morceau de Despo un peu spécial car il était censé être le prélude à son grand retour. Malheureusement l’album « Les Funérailles des tabous » n’a pu voir le jour, bien que l’on remarque que l’artiste a fait un bel effort pour quand même fournir un produit à ses fans en vitesse, le projet « Jamais 203 » en compagnie de Guizmo et Mokless (EP et Album). Au cours du titre on retrouve Despo dans toute sa splendeur : dérangeant, juste, vrai, controversé. Les punchlines du petit black (seulement par la taille) sont lourdes.
Tiens, puisqu’on en parle…
« Sale haineux pas de bol, Rutti come-back boy /
Gros black aux punchs bad dur à bouger comme Drogba ou Gbagbo » Despo Rutti – Apocalypto
Le sens : Il y en a des choses à dire, et, comme d’habitude, nous allons donc procéder dans l’ordre. Tout d’abord Rutti annonce son come-back, mauvaise nouvelle pour les haineux qui le voyait enterré, n’est-ce pas ? Une phase qui prend d’autant plus de sens quand on la replace dans le contexte entourant la sortie du morceau pour Despo.
Ensuite, comme dans tout bon come-back réussi, l’artiste se présente aux rares retardataires qui le découvriraient : « Gros black aux punchs bad ». En effet, c’est ce qui le caractérise, la punchline vraie, forte, la punchline qui créé le débat, la controverse… La vérité crue, encore saignante entre les dents du « black aux punchs bad ».
Et le plus intéressant à la fin, l’essence même de la punchline… « Dur à bouger comme Drogba ou Gbagbo ».
On se souvient tous du climat socio-politique agité qui a saisi la Côte d’Ivoire récemment…
Non ? Vraiment ?
Récapitulons… La Côte d’Ivoire a élu le président Gbagbo en 2000 face au général Guéï qui avait pris le pouvoir au cours d’un coup d’état. Or, le mandat prévu était de 5 ans, les prochaines élections eurent donc lieu en… Allez 2000 + 5 = ????
C’est donc en 2010 après un conflit au bord de la guerre civile entre Nord (rebelles) et Sud (Etat) et la constitution d’un gouvernement « neutre » que Gbagbo consentit enfin, sous la pression de la communauté internationale, à organiser de nouvelles élections… Ces élections donnèrent la victoire au président Ouattara selon la commission d’élection neutre et la grande majorité de la communauté internationale. Cependant, il reste une force qui persiste à dire le contraire… Le président Gbagbo bien sûr, ainsi que le conseil constitutionnel duquel il a pris soin de nommer chacun des membres lui-même bien sûr…
Ouais, en effet, 10 ans au pouvoir pour ne pas le lâcher après avoir perdu les élections… Il est « dur à bouger ».
Et tant qu’on parle d’un Ivoirien dur à bouger, on en connait tous un autre ! Le fameux Didier Drogba, attaquant pour son pays et notamment pour Chelsea avant de rejoindre actuellement Galatasaray. C’est un joueur dur au contact, très physique et musclé ainsi que très talentueux par ailleurs. Difficile de lui contester le ballon en jouant à l’épaule…
La parallèle fait par Despo entre le combat pour le ballon et la compétition pour le pouvoir est très intéressant…
Technique : Là aussi, il y en a des choses à dire ! Despo Rutti est souvent décrié par les moins connaisseurs pour un hypothétique manque de technique, cela parce qu’il rappe sans rimes sans doute… CALOMNIE ! Ici l’emploi de nombreuses consonnes plosives (« b », « p », « t »…) renforce l’aspect percutant de la voix et de la punchline. C’est rude, c’est « dur à bouger », même dans la prononciation : la forme au service du fond. D’autant plus que ces consonnes sont mises au service des mêmes voyelles : « pas d’bol » / « come-back Boy ». Sur la deuxième phase la construction deS rimeS à l’intérieur même de la punchline est très bien travaillée. On commence par « Gros Black » et on finit en inversant la rime par « Gbagbo ». Jusque-là c’est du bon mais pas encore du remarquable, jusqu’à ce que Despo reproduisent le procédé à la toute fin de la rime avec « Drogba » / « Gbagbo ». La dernière syllabe de « Drogba » étant même 100% identique à la première syllabe de Gbagbo. On note aussi que le milieu de la phase n’est pas en reste, notamment, l’ordre des consonnes dans « dur à bouger » est, étrangement, exactement le même que dans « Drogba », soit « D », « R », « B ». Ces consonnes-là même qui sont répétés en allitération tout au long de la phase… Oui, c’est du très très bon. De quoi faire taire tous ces détracteurs, idéal pour « come-back » non… ?
Despo s’impose une fois de plus comme un des poids lourds de la Punchline en France.
Bien sûr, tous les avis et interprétations énoncés ici sont subjectifs et tout autre avis peut être pertinent !
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